Accueil du site > Actualités > Mécanique de la migration des cellules de la crête neurale et maladie de Hirschsprung.
Les cellules de la crête neurales (CCN) sont une population de cellules multipotentes et migratoires propres aux vertébrés qui se dispersent et migrent collectivement à l’intérieur des tissus embryonnaires durant les étapes précoces du développement. Ces cellules forment entre autre les os de notre mâchoire, des nos oreilles, les pigments de notre peau, notre système nerveux périphérique, et le système nerveux intrinsèque de notre tube digestif, dit entérique. Pour coloniser le tube digestif, les CCN pénètrent dans la bouche de l’embryon et migrent en 3D dans la paroi de l’intestin en formation, de l’œsophage à l’anus. Elles se différencieront plus tard en neurones et cellules gliales. Les défauts de migration donnent lieu à des pathologies congénitales regroupées collectivement sous le terme de neurocristopathies. La maladie de Hirschprung résulte d’un défaut de migration des CCN dans le colon de l’embryon et se traduit par une aganglionose (absence de ganglions nerveux) de cette partie tu tube digestif, affection mortelle si elle n’est pas traitée chirurgicalement à la naissance. Plus de 50% des cas de maladie de Hirschsprung n’ont pas de cause génétique connue.
Pour mieux comprendre l’origine de cette maladie, les physiciens du laboratoire MSC (N. Chevalier, V. Fleury) ont mené, en collaboration avec des biologistes (S. Dufour, INSERM, S. Germain, Collège de France) et la plateforme d’imagerie de l’Institut Cochin (T. Guilbert), une vaste étude visant à comprendre les contraintes physiques auxquelles sont confrontées les cellules de la crête neurale lors de leur périple dans les tissus embryonnaires. Les auteurs ont montré à l’aide de méthodes micromécaniques originales (microscopie à force atomique, traction uni-axiale) que l’intestin embryonnaire (modèle poulet et souris) se rigidifie et s’enrichit en collagène fibrillaire durant la migration des CCN. Des tests de migration en 3D dans des gels de collagène révèlent que la migration des CCN s’effectue d’autant plus lentement que le milieu environnant est rigide. Ils ont en outre démontré que les NCC progressent en dégradant les fibres de collagène environnantes à l’aide d’enzymes, les métalloprotéases.
Cette étude apporte un éclairage nouveau sur la maladie de Hirschsprung : les CCN de ces malades présentant un retard par rapport la chronologie normale de migration, elles atteignent le colon à un stade où celui-ci est plus raide et plus fibré, et donc plus difficile voire impossible à coloniser. Ceci permet d’expliquer pourquoi tout retard dans la chronologie de migration, qui peut avoir pour origine des mutations génétiques diverses (Sox10, edn3/EDNRB, beta-integrin etc.) se traduit par un phénotype commun, l’aganglionose de la partie la plus distale de l’intestin, le colon. L’implication des métalloprotéases dans la migration motive par ailleurs fortement l’étude de mutations des gènes codant pour ces enzymes chez les malades de Hirschsprung.
"How Tissue Mechanical Properties Affect Enteric Neural Crest Cell Migration" N.R. Chevalier, E. Gazguez, L. Bidault, T. Guilbert, C. Vias, E. Vian, Y. Watanabe, L. Muller, S. Germain, N. Bondurand, S. Dufour & V. Fleury Scientific Reports 6, Article number : 20927 (2016). doi:10.1038/srep20927.
Biophysique, Biofluidique, Mécanique des cellules et tissus, mécanotransduction, Morphogenèse, embryogenèse, développement, mouvements collectifs, auto-organisation, Applications médicales, biomatériaux, biomimétisme, FLEURY Vincent, CHEVALIER Nicolas
Contact : Published on / Publié le 18 février 2016
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